Le mot storytelling, aujourd’hui, évoque à peu près tout et son contraire. Il s’use, se galvaude et se perd au rythme des fils d’actualités sur les réseaux sociaux. Les experts s’en emparent le comparant tour à tour, à une pierre philosophale ou à un outil de propagande consumériste. A mon sens, la véritable question à se poser est « Si le storytelling existe, quelle marque l’exploite réellement ? »
Je vais partir du principe, fondamental me direz-vous, que le storytelling existe bel et bien. Pour tout dire, il est aussi vieux qu’Aristote lui-même. Il s’agit de l’art d’inventer et de raconter une histoire. Rapporté à la communication, le storytelling c’est transmettre un message sous la forme d’un récit. Ceci étant dit, le numérique a grandement fait évoluer cette technique. Le digital a également élargi le sens que nous pouvons donner à ce terme. Le storytelling aujourd’hui est à la fois la technique pour déployer une communication dite narrative, mais également la culture – sa propre culture – que produit une marque à chaque point de contact entre son utilisateur et elle-même. Il sera plutôt question de ce second point dans cet article, même si, les deux aspects se complètent et se chevauchent allègrement.
1. Une marque qui storytelle tisse son univers
La force du storytelling d’une marque se mesure à sa capacité à déployer un univers d’une façon cohérente et pérenne. De nos jours, il s’agit d’une véritable gageure. Au delà de son produit ou de son service, une marque doit être en mesure de produire les éléments de sa propre culture et de les distiller à chaque point de contact entre elle et ses utilisateurs. Au delà d’un monde fantastique, ce dernier se doit d’être une métaphore de l’histoire à laquelle la marque souhaite s’apparenter.
Cela passe par la mise en place d’un langage, verbal bien entendu, mais également graphique, voire sonore ou olfactif. Les exemples les plus évidents en France sont ceux d’Oasis ou encore de Michel & Augustin. J’ai plutôt choisi de vous parler d’Eleven Labs, une petite entreprise de conseil en technologie web. Cette marque effectue un travail remarquable en terme de storytelling. Il faut bien comprendre que pour les entreprises de ce secteur l’objectif de leur communication n’est pas tant d’attirer de nouveaux clients, mais plutôt d’enrichir l’effectif de développeurs dont elle dispose pour répondre aux demandes de ses clients. C’est ce qu’ils parviennent à faire – sans tricher – en créant un univers graphique en totale adéquation avec les affinités de leur public tout en jouant avec l’imagerie de la conquête spatiale.
2. Une marque qui storytelle possède une voix
La voix d’une marque, c’est ce que nos amis anglo-saxons appellent « the Tone of voice ». Il s’agit d’un moyen essentiel pour faire du storytelling. Cette voix se doit d’être singulière et caractérisée. Elle peut s’exprimer à travers un des dirigeants de l’entreprise de la marque, comme Elon Musk par exemple ; par le biais d’une mascotte comme Georges Clooney pour Nespresso ; ou d’une manière anonyme mais personnelle à chaque point de contact (toujours eux). La marque de jus de fruits Innocent avait ouvert la voie – justement – il y a quelques années. L’enseigne « Prêt à manger » le réalise – particulièrement en Angleterre d’ailleurs. En France, Monoprix illustre bien ce parti pris. Les jeux de mots et autres calembours inscrits sur les étiquettes des emballages des produits de leur marque, sont autant de prise à parti de leurs clients. Ils incarnent et traduisent un état d’esprit et une culture de la marque. Ils offrent aussi au consommateur la possibilité de se sentir intelligent.
3. Une marque qui storytelle parle de ses utilisateurs
Les deux signes précédents ne sont efficaces qu’à une seule condition : la concrétude (sic). Une bonne histoire ne parle pas de celui qui la raconte mais de celui, ou celle qui l’écoute. L’efficacité du storytelling déployé par Eleven Labs ou Monoprix, tient au fait qu’il est en adéquation avec l’état d’esprit de leur public. Il s’agit alors de faire preuve d’humilité et d’empathie, d’être en mesure de parler la même langue que ceux auxquels on s’adresse. Je pourrais vous parler de la banque britannique First Direct, longtemps championne de la relation client. Je préfère évoquer la Librairie Mollat à Bordeaux, première librairie indépendante en France. Allez faire un tour sur leur fil Instagram et régalez vous avec les Bookfaces postés autant par les libraires que par les clients eux-mêmes. Vous verrez comment traduire la manière dont la littérature peut nous habiter, nous imprégner.
Voici donc pour un premier petit tour d’horizon. Pour conclure, je crois qu’une marque qui veut exploiter le storytelling doit faire montre de stamina… d’endurance, de persévérance. Le procédé est diablement efficace, mais aussi diablement exigeant. Il s’agit de s’armer de ténacité, commencer par planter un décor, puis écouter et incarner des voix qui parleront à votre public de ce qui le concerne et le touche…