Depuis le dix-sept septembre dernier, mon ouvrage “Festins. Comment la cuisine peut inspirer, affûter et cultiver notre créativité dans tous les domaines” se trouve sur les tables de toutes les bonnes librairies. Il était temps que je le prenne — ce temps — pour expliquer ma démarche et préciser à qui ce livre, pour le moins inclassable, s’adresse.
Faisons simple. “Festins” est un carnet de voyage et de recettes. Un voyage, géographique certes, mais aussi mémoriel, sensoriel et spirituel à travers le processus créatif des grands chefs cuisiniers. J’ai rencontré dix d’entre eux, de l’ancienne comme de la nouvelle génération, des urbains comme des campagnards. Ils se trouvent à la tête de, quasiment, toutes les typologies d’établissements, du palace au bistrot branché. J’ai passé du temps avec eux, goûté leurs plats, observé les mises en place, discuté musique, sport ou scoutisme, afin de comprendre.
Mais de comprendre quoi exactement ?
La création est un processus au long court qui fonctionne par capillarité croisée. Il y a quelques années de cela, alors que je sortais “La voie du créatif”, une personne de mon entourage, diplômée d’une grande école de commerce, quittait son poste dans la finance — particulièrement bien rémunéré — passait un CAP chez Ferrandi et ouvrait, dans la foulée, un restaurant gastronomique au cœur d’un quartier branché de Paris. Son aventure m’a fascinée. Sa capacité de ré-invention et son talent étaient indiscutables. Sa formation me laissait à penser qu’il possédait toutes les compétences pour gérer un établissement.
Et pourtant.
Pourtant, il s’est planté. Malgré son don, son abnégation et sa force de travail, malgré les heures alignées derrière l’inox, quelques bonnes critiques dans de grands journaux, des reportages et la reconnaissance du Guide Rouge, il a dû, au bout d’une poignée d’années, mettre la clé sous la porte. Son histoire n’a cessé de me hanter. A côté de quoi était-il passé ? Les planètes étaient-elles, réellement, non alignées ?
Quelques années plus tard, au moment de l’écriture de “L’Art du Storytelling”, je ponctuais mes sessions d’écriture par des pauses où je regardais la série “Chef’s Table”. J’étais fasciné, inspiré et… frustré. Les shows sont magnifiques, mais, à mon sens répétitifs et superficiels. L’esthétique et la narration ne permettant pas de rentrer précisément dans le savoir-faire et la créatique des grands chefs (la créatique, c’est l’ensemble des éléments que le créateur met en place — consciemment ou non — afin de déployer son potentiel créatif).
L’envie était là. Ne restait plus qu’à trouver la forme. Mon désir de me coltiner à l’écriture de portraits s’est imposée. Un moyen, à mon avis imparable, pour comprendre ce que ces personnalités, confrontées à un métier dur comme du granit, font que les autres ne font pas. Pour saisir ce que nous pouvons aspirer de leurs méthodes, leur regard et leur sensibilité — souvent à fleur de peau — quelle que soit notre profession.
Alors à qui s’adresse “Festins” ?
A toutes celles et ceux qui souhaitent faire carrière dans la cuisine. L’idée étant d’ouvrir le champ culinaire et démontrer que les plus grands chefs sont les plus grands, parce que justement, ils s’intéressent à bien d’autres choses que la cuisine — même si elle les passionne par ailleurs.
L’ouvrage s’adresse également aux amoureux de la grande gastronomie et à tous ceux qui auraient la curiosité de savoir comment fonctionne l’esprit d’un cuisinier et de découvrir tous ses petits trucs qui font les grands plats.
Ce livre s’adresse, enfin, à celles et ceux qui, comme moi, sont fascinés par la création. Ce pouvoir magique que possède chaque être humain de sa naissance à sa mort. Un pouvoir qu’il oublie bien souvent qu’il possède, à l’instar d’un mendiant assis sur un trésor. Un pouvoir qui lui permet de faire advenir le changement et de transcender le sens dans toutes ses dimensions.
Le résultat de tout ça est donc “Festins” paru aux remarquables Editions Pyramyd. Il ne me reste plus qu’à espérer que vous prendrez autant de plaisir que moi à rencontrer ces personnes fascinantes, au destin épique, voire bien souvent, tragique. Le talent, c’est de savoir trouver ses propres enseignants. Je fais le pari que vous serez en mesure d’en trouver quelques uns entre les pages de ce livre. Bonne dégustation !